dimanche 22 juin 2008

ULTIMO CAPITULO: La Paz - Buenos Aires

L'itinéraire et les images
Bolivia - Argentina



La fin de l'histoire.. Sorti de La Paz, j'ai roulé sur l'Altiplano plein sud pendant quelques jours, pour atteindre par routes et par pistes, l'incroyable Salar d'Uyuni, la plus grande étendue plate saline du monde, un rêve de cyclonaute à 3700 mètres; Une route immaculée dans toutes les directions et pour ainsi dire sans trafic.. grand moment de voyage, de liberté à perte de vue! Ensuite depuis le bled d'Uyuni, j'ai choisi d'échapper à la piste défoncée qui file sur l'Argentine en faisant quelques centaines de kilomètres en train jusqu'à Villazón, ville frontière tout au sud de la Bolivie. J'ai eut de la chance, le convoi n'a déraillé qu'avant que je le prenne, donc quelques heures d'attente imprévues, mais un voyage splendide, à travers monts et vallées boliviens. L'excitation d'atteindre la dernière frontière m'a fait oublié que c'était le premier tronçon de voyage effectué autrement qu'à la force du mollet.. Arrivé en Argentine, plein sud, la route perd doucement de l'altitude dans une géologie spectaculaire, la Quebrada d'Humuaca, avec arrivée à Jujuy, première vraie ville tout au nord de l'Argentine. Depuis là, plutôt que de descendre tout de suite sur les autoroutes plates et rectilignes de la Pampa, j'ai choisi de longer encore un peu les contreforts andins, jusqu'à Salta, puis la Quebrada de Cafayate jusqu'à la ville du même nom. L'occasion de quelques dernières remontées et redescente jusqu'à passer à Tafi del Valle. Et puis il a bien fallu s'engager sur le plat, cet incroyable accélérateur de vent pour lequel vous priez qu'il soit plutôt pas trop contre.. J'ai fait la ruta 158 jusqu'à Cordoba, deuxième ville d'Argentine en terme de population. C'est là que pendant les quelques jours de pause, l'hiver est venu d'un coup.. Ensuite direction Rosario, troisième ville d'Argentine, au bord du Rio Parana, où les cargos qui naviguent sur le fleuve m'ont fait sentir que cette fois-ci j'étais proche de retrouver le côté atlantique d'Amérique du sud.. Et pour finir, dans un dernier coup de pédale sur la ruta 8, j'ai atteins Buenos Aires, ultime étape, ville dans laquelle mon père est né et a vécu une partie de son enfance, après que mes grands-parents y aient émigré dans les années trente. Ville que je n'avais jamais vue, et dont j'avais pourtant les images des récits de la famille. Un peu moins de deux semaines pour poser définitivement le vélo, pour parcourir la ville riche de culture, de lieu, et d'urbanité à l'européenne.. Merci à mes amis Nacho et Belem, rencontré à Panama quelques mois en arrière, pour leur accueil!

Un très grand MERCI à vous tous qui m'avez aidé, soutenu et encouragé pour parcourir ce bel itinéraire. Je vous embrasse fort depuis la Suisse, ou je suis arrivé il y a deux jours. Pour une réadaptation par la force des choses...

En attendant je vous salue bien bas, et je me réjouis déjà de la prochaine renaissance dans quelques mois ou années, qui sait.., de n'amasse pas mousse en route pour d'autres horizons...

dimanche 8 juin 2008

BUENOS AIRES!

Kilomètre 12374, arrivée dans la capitale fédérale argentine.. terminus.. tout le monde descend!


preuve à l'appui: Tango!

lundi 2 juin 2008

Argentina

Déjà trois semaines que j'y roule. Et beaucoup d'impressions..

D'abord l'émotion d'y entrer. Car en vélo, les distances ont repris leur vraies dimensions: être en rase campagne, dans une jungle ou un désert; inspirer a pleins poumons, puis expirer et sentir l'espace s'étendre autour de soit! Ça rassure.. le monde est vaste. Alors dans ce contexte, atteindre l'Argentine depuis le Mexique, ça fait un petit bout! Et pendant tout ce temps l'objectif devient fictif, prend des allures éthérée, devient impossible, ou secondaire. Puis on finit par y arriver quand même.. sans s'en rendre compte.. Je suis encore sous le choc.

Un mélange d'Italie, de France et d'Espagne, dans un pays immense et magnifique.

L'émotion d'y arriver, et l'angoisse de voir le bout du voyage s'approcher. Un mélange contradictoire auquel je ne m'attendais pas. Pour la première fois depuis de longs mois, rouler avec un but concret. C'est moins grisant qu'auparavant, la fatigue réapparaît, les courbatures aussi. Je pensais pourtant m'en être débarrassé. Alors il faut se rassurer en explorant les merveilleuses "Heladerias" d'Argentine. Leurs glaces valent a elles seules le voyage. Imaginez 12 sortes de chocolats, 8 sortes de dulce de leche, et tous les fruits avec ou sans crème qu'on puisse inventer. La pause glace devient fictive, prend des allures éthérées, devient impossible, ou secondaire.. Je suis encore sous le choc.

Et puis l'Argentine est en plein conflit social. Quel était donc le dernier pays traversé qui n'était pas en conflit social? Me souvient plus. Ici c'est "El conflicto con el campo", autrement dit le conflit avec la campagne. Le gouvernement veut encore augmenter les taxes, jusqu'à plus de 50% des revenus de l'industrie agropecuniére (!) Les intéressés sont donc en grève, bloquent les routes, et font de longs discours dans la presse. Toute une histoire qui dure depuis bientôt trois mois et qui fait le deuxième sujet de conversation des argentins.- Et mon avis sur la question, un de ces soir a l'Evech'..-

Car le premier sujet de conversation est indétronable, c'est le football.. L'inévitable, le perpétuel, que dis-je, l'éternel football. Et je peux vous assurez que ce que vous allez subir en Suisse au mois de juin, n'est rien comparé a la fièvre latine. Du pain et des jeux disait l'autre. Et impossible d'éviter de mentionner le célébrisime club de Buenos Aires: El Boca Junior. Qui draine à lui seul la moitié des fans de foot de toute l'Argentine. Et qui gagne même quand ce ne sont que les remplaçants qui jouent. En ce moment même en demi-finale de la Copa Libertadores (coupe interclub de toute l'Amérique latine). Ici c'est plus qu'un mythe, c'est un club fictif, qui prend des allures éthérées... Mais je me suis remis du choc.

Et puis il y une dizaine de jour, en pleine pampa, un vent de face s'est levé. D'abord doucement, puis un peu plus fort, puis très fort, puis tempétueux a décorner les boeufs argentins. Je marchais donc sur le bas-côté quand mon pneu avant s'est aplati.. Verdict: une trentaine de crevaisons par roue; une sorte de graine épineuse bien connue ici, et que maintenant je connais aussi.. Après ça pendant que je réparais patiemment mes chambres à air, le vent a renversé le vélo cassant le pied et le rétroviseur.. Le début d'un effet de réaction en chaîne. Ça m'est déjà arrivé plusieurs fois. Le secret pour s'en sortir, c'est garder son calme.. Ce soir-là, j'ai vu le coucher de soleil depuis le pont d'un camion. Puis en quelques jours le temps a passé de 35 degrés à l'ombre bien sonné, au gel et à la neige. Ici, quand le temps change, ça rigole pas! L'hiver s'annonce rude en Argentine, mais je vais éviter le choc..

Le retour s'annonce. Mais pas à cause de la météo, car la neige j'aime bien... Mais les finances sonnent l'alarme depuis un bon moment déjà. Eternelle condition incontournable de notre monde civilisé.. Je serai donc au lac pour les cerises, et même pour le solstice d'été. Préparez les caquelons et les chopines, j'aurai du retard à rattraper!

Abrazo de Argentina

avec un copain autostopeur, depuis le pont d'un camion..

vendredi 16 mai 2008

Le rêve du Salar de Uyuni

L'autre nuit j'ai fait un rêve tellement fort, que j'en ai retrouvé des photos dans mon appareil! C'était l'histoire d'une traversée du Salar de Uyuni, au sud de la Bolivie, à 3600 mètres. Une étendue crystaline parfaitement blanche et plate. Un rêve de sel. 85 kilomètres entre Jirira et Colchani, ponctuée d'une nuit sous tente dans un silence cosmique. Inoubliable.
Les photos...

jeudi 15 mai 2008

Blaise Hofmann et le prix Nicolas Bouvier 2008

Si vous avez manqué cette nouvelle de taille: l'ami Blaise a recu le prix Nicolas Bouvier 2008 pour son deuxième ouvrage, "Estive", paru aux éditions Zoé.
Magnifique! Félicitations Blaise. Ce carnet de berger, écrit suite à un été de solitude pastorale dans la vallée de l'Hongrin, est une pure merveille. Je vous en recommande absolument la lecture dont voici le prière d'incérer:

"Que fait un troupeau lorsqu'il est formé ? Il se déforme. Il faut le reformer. Je pense beaucoup à toi, Sisyphe". "Estive" est un récit où l'auteur romance un été de berger en charge d'un troupeau de moutons. Ce carnet de route dans une vallée alpine fait partager au lecteur, tout au long de rencontres inattendues, d'images poétiques et de réflexions philosophiques, le quotidien difficile des paysans et des bergers. Le livre n'est pas seulement un témoignage mais un "récit d'apprentissage". Ce texte à l'écriture fragmentée, incisive et ironique, interpelle autant la dysneylandisation des Alpes que l'aspect devenu exotique des métiers ruraux de montagne.

De plus Blaise est en voyage, un tour de la Meditérannée avec une pause au Caire, où il est en ce moment. Voici son blog:
NOTRE MER, un tour de Meditérannée

mercredi 14 mai 2008

Lagaffe à Oruro

Oui, allé! J'ose cette référence plutôt exotique à un monument de la bande dessinée.. Vous vous souvenez tous de la guirlande de Noël de Gaston Lagaffe? Elle était à Oruro le soir ou je suis arrivé.. Je vous raconte:
C'était la fin d'une journée record entre La Paz et Oruro, 234km sur l'Altiplano, incluant les 600 mètres de dénivelé pour sortir du trou de la capitale (qui se réfugie au fond d'une dépression de l'Altiplano pour avoir un peu moins froid... car il fait pas chaud sur le ce plateau à 3800 mètres). Il restait pourtant encore les 37 derniers kilomètres à parcourir, et le soleil menaçait de se coucher. Mais pour une fois la chance était avec moi. Un dernier bout de route bien droit, en faux-plat descendant et avec le vent plutôt dans le dos. Le genre de moment qu'un cyclonaute peut attendre pendant des mois... Une heure pour atteindre l'entrée de la ville, Ha! Mais quand même juste pas assez rapide pour arriver de jour. J'entre donc dans la banlieue avec les dernières lueurs. Je m'arrête, je demande mon chemin deux ou trois fois (Ça donne un jeu de contradiction toujours excitant a démêler.. l'un dit à droite vers le haut, l'autre a gauche, le dernier tout droit, mais vers le bas.. La moyenne du tout donne environ la bonne direction..) Oruro s'allume doucement dans la nuit bolivienne, c'est magnifique. Je ne traîne pas, et m'engage sur les avenues. Puis soudain blop! Je vois quelques lampadaires clignoter puis s'éteindre, les enseignes lumineuses disparaître, les feux de circulation s'évanouir. C'est la panne d'électricité. Incroyable. Gaston a branché sa guirlande! Quelques lumières subsistent avec les phares des voitures (quand ils fonctionnent..). Mais la ville dans le noir total. Pas de lune. Un ciel étoilé extraordinaire (cette région du monde possède un ciel pur qui est le fantasme de tout les astronomes, les plus grands télescopes sont installé à peine plus au sud, dans le désert d'Atacama). Cela dit je m'inquiète un peu. Comment trouver une auberge et le centre d'une ville sans lumières ni enseignes lumineuses? Des ombres parcourent les rues. De temps en temps un type possède une lampe de poche. Soudain ça gesticule devant moi. Une foule sur la route.. Et une fanfare! Qui joue à plein tube sans s'inquiéter du noir. C'est magique! Je suis le cortège. Invisible, je n'entends pas un seul "gringo!" pour une fois. Je demande encore mon chemin, puis tente différentes options... Il y a de plus en plus d'ombres dans les rues, je ne dois donc pas être trop faux. Soudain quelques enseignes se rallument. Gaston a débranché sa guirlande bricolée "maison"..! Les ombres redeviennent des boliviens, les étoilent disparaissent, les carrefours encolonnés retrouvent des feux que personne ne respectent, et je me découvre en plein marché, dans une rue piétonne encombrée d'étalas. A côté de moi un "Alojamiento" s'illumine. Et le court des choses reprend le normal.
Une demi-heure de pure magie.
Merci Gaston, si seulement tu pouvais brancher ta guirlande de temps en temps en Suisse aussi...

lundi 5 mai 2008

UN CAPITULO MAS! Quito - LaPaz

L'itinéraire et les images.
Ecuador - Perú - Bolivia



Si le capitulo précèdent était surtout la Colombie, celui-ci aura surtout été le Perú. Mais avant cela, mi-mars, j'ai passé 10 jours magnifiques à Quito. Ville de culture ou se superposaient plusieurs festivals de danse et de musique au moment de mon passage. Finalement je me suis enfui plein sud, dans les Andes jusqu'à Cuenca. Depuis là, descente sur la côte pour retrouver le Pacifique à la frontière péruvienne de Huaquillas. A ce moment, je n'imaginais pas que les dunes m'accompagneraient 2000 kilométres. Car la côte péruvienne est un long désert, une route bien droite, entrecoupée de zones vertes irriguées par les fleuves qui proviennent des Andes. Un terrain idéal pour parcourir malgré le vent contraire, de longues distances quotidiennes à grands coups de pédale. Talara - Piura - el Desierto de Sechura - Chiclayo - Trujillo - Tortugas - Huarmey - Barranca - Lima - Pisco - Ica - Nazca. C'est là que ma route a quitté la Panamericana, pour monter sérieusement dans les Andes. 700km de montagne avec plusieurs passages à plus de 4000 et 4500 mètres qui ont bien ralenti le rythme infernal côtier, avant d'atteindre la bien trop chère et très touristique Cuzco. Le temps de quelques balades dans les ruines Incas, rétablir une nouvelle perturbation digestive, et j'ai repris la route au sud-est pour le lac Titicaca et l'entrée en Bolivie à Copacabana. Et pour terminer ce Capitulo, une arrivée magnifiquement théâtrale, avec le coucher du soleil, à La Paz, capitale impressionnante à l'altitude du sommet du Pignes d'Arolla.

Pour la suite ma route va continuer au sud-est, en direction de l'Argentine et de Buenos Aires.

Merci pour vos nombreux messages enthousiastes à propos du blog!
Meilleures salutations d'Amérique latine..
N'amasse pas mousse..

samedi 26 avril 2008

Martine

Martine. On s'est croisé dans le magasin de vélo de Cuzco. Quelques mots sur le cyclonautisme, elle roule vers le sud, tout comme moi. Échanges d'émail. J'étais un peu déconcentré par le pédalier de mon vélo en pièces détachées que les clients du magasin enjambaient pour parvenir au comptoir. Elle s'en va, je rassemble mes pièces.
Martine! Mais c'est elle! Ce ne peut qu'être elle!! La cycliste inconnue qui me précède depuis le Mexique! Je cours au café internet.. "On se connaît Martine! Je t'ai déjà adressé un message sur mon blog! Regarde!"
Martine est de Quebec, roule en vélo depuis L'Alaska, vise Tierra del Fuego en treize mois. "Une fille, deux roues, trois Amériques". Longue expérience du cyclonautisme en de multiples voyages, le moral et la curiosité bien accrochés. Après cinq mois de route, neuf milles kilomètres l'un derrière l'autre. Après tant de personnes sur la route qui m'avaient parlé d'elle. Rencontre a Cuzco!
Chebere Martine! Bonne route, et a bientôt peut-etre?

Le blog de Martine


vendredi 18 avril 2008

Pampamarca

La route de Cuzco passe trois fois a plus de quatre mille mètres. Lors du deuxième passage, elle y reste plusieurs dizaines de kilomètres dans de long faux plats, puis passe un point culminant à 4500 mètres.

J'approchais donc de ce col, lorsque la route a bifurqué en plein dans l'averse qui me narguait depuis un moment. Parfois la route n'est vraiment pas maline. Tempête de neige au passage de l'Abra Huashuaccasa. Et la descente se fait sentir dans le brouillard. Mais pas la peine de se laisser griser par la vitesse, contre le vent, les flocons sont un lancé d'épingles sur le visage et dans les yeux. Une demi-heure plus tard, coup de chance. Avant même d'être complètement trempé et transi de froid, une auberge émerge du brouillard. Je m'arrête sans hésiter. Pampamarca, du nom de cette région haute des Andes. "Olá buenas tardes". J'expédie rapidement les questions habituelles en les anticipant. "Soy Europeo - vengo en bici desde Mexico - hace cinco meses - nueve mil kilometros - el precio de la bicicleta es relativo - no tiene motor - si, estoy cansado". Et j'entame le caldo de pollo (soupe aux pattes de poulets) ainsi que la conversation avec mon voisin de table. Daniel est ici depuis trois jours. Il est payé pour dépecer à l'oxygène la carcasse d'un car à deux étages qui est sorti de la route faisant vingt-et-un morts au mois de mars. En effet un morceau du car est déjà devant l'auberge. C'est alors que je remarque en face de moi, deux de ces fameuses reproductions couleurs des Alpes suisses, format trente-cinq par cinquante, punaisées juste en dessus d'un attroupement rivé sur une petite télévision noir-blanc. Celle de gauche je la vois régulièrement depuis la Colombie, celle de droite est nouvelle. Un chalet, des vaches, un pré, quelques fruitiers, un sommet enneigé, le ciel bleu. Pour une fois, je me donne la peine de faire une photo de cet anagéoisme. Et à cet instant, un conducteur de camion entre dans la pièce en claquant la porte et crie "Dos Nescafe!" Perplexe, je me demande si on va me servir une Ovo chaude, avec une tartine au Cenovis que je devrait payer en francs suisses? Mais non, les choses ont repris un cours normal, et la journée s'est terminée avec le dégagement bienvenu du ciel. J'ai passé une très mauvais nuit. Puisqu'après quatre semaines au bord de la mer, dormir à 4200 mètres d'altitude demanderai un peu plus d'acclimations.

Le lendemain reprise de la route qui commençait par une montée, parce qu'en fait il restait encore trente kilomètres avant la vraie descente. Dont je n'ai pourtant failli jamais profiter, je vous explique. Juste avant d'entamer les fameuses "siete curbas" (sept magnifiques épingles à cheveux) il faut traverser un dernier petit village. En m'approchant de celui-ci, je me suis demandé pourquoi tout les habitants portaient des casques. En fait des ouvriers qui creusaient une tranchée le long de la route. A ce moment l'un deux s'élance dans ma direction en agitant un T-shirt vert. Il m'hurle quelque chose que je ne comprends pas. Ayant perdu l'habitude de m'arrêter à chaque situation étrange, parce que ça se passe tout le temps, et qu'on sait jamais l'intention réelle des auteurs, je le croise avec un cordial bonjour.. La route est libre. Quelques mètres plus loin je remarque pourtant un groupe de villageois planqué dans une ruelle, agglutinés à l'angle du mur pour regarder dans la direction dans laquelle je vais. A cet instant me revient en mémoire l'histoire de Jean-Christophe à qui il est arrivé exactement la même chose au Tibet. J'hésite, je freine. Puis une siñora m'hurle "Va explodar!" Demi-tour, retour au niveau du T-shirt vert, à peine le temps de me tourner avec l'appareil et boum, le bord de la route vole en éclat avec une partie d'une maison adjacente (ce qui n'était probablement pas intentionnel...) Gros rire avec le type au casque. Merci Jean-Chri de m'avoir mis la puce à l'oreille en me racontant ton histoire. C'est pour ça que je vous la raconte à mon tour...! Mais j'ai de nouveau oublié comment ils disent "ça va exploser" au Perú...


vendredi 11 avril 2008

"Les murailles de Samaris"

En essayant de comprendre certaines facettes des villes d'Amérique Latine, le titre de cet album de la fameuse série des Cités Obscures m'est revenu en mémoire. Car plus je traverse de centres urbains, plus les similarités des grandes villes de mon voyage m'interrogent, et me rappellent la fiction de Schuiten et Peeters.


Les villes de tailles moyennes, ou de petites tailles, sont remplies de sens. Moins elles ont d'intérêts touristiques, plus on y trouve de cohérence. La route principale vous amène au centre du bled, constitué d'une place quadratique de grande taille, pourvue de verdure ou d'une fontaine. Ce bloc évidé est bordé par quatre rues, qui se poursuivent dans le tissu urbain et qui séparent de manière plus ou moins heureuse l'espace central des façades qui le qualifie. Celles-ci sont généralement constituées de commerces qui sont de plus en plus prestigieux, au fur et à mesure que la ville est plus importante. Une forme de gradation centrifuge des espaces, facile à comprendre et simple à appliquer.


Dans les grandes villes cette structure est évidemment bien plus complexe. On retrouve notre place quadratique, parfois doublée ou triplée, quelque part dans le tissu urbain. Généralement dans le centre historique. Ce quartier est d'époque coloniale, si les tremblements de terre n'en ont pas détruit la totalité. Mais ce qui est surprenant, c'est que le centre historique de la grande ville type d'Amérique Latine est généralement un quartier déprécié. La population qui en a les moyens fuit les illustres bâtiments pour s'installer dans de nouveaux quartiers. Générant un ou plusieurs nouveaux centres qui sont presque toujours exceptionnellement laids. Des bâtiments qui utilisent maladroitement le verre et le béton. Des avenues très larges pour y faire circuler l'automobile, où vous risquer votre peau quand il faut traverser la rue. Des espaces pour piétons inexistants, les trottoirs sont des parkings, les espaces publics réduits au minimum, excepté parfois quelques parcs. Les prix du commerce sont multipliés par trois ou plus. Les stations d'essence, supermarchés et fastfood y pullulent, et la population aisée en raffole. C'est l'ouest lausannois devenu quartier prestigieux...


Pourtant la valeur sentimentale, morale et touristique du centre historique n'a pas disparu. Car les églises, cathédrales, palais gouvernementaux et certains autres bâtiments publics et culturels s'y trouvent toujours. On y est donc attaché, mais on ne veut surtout pas y résider.


Etat de fait qui profite à d'autres: le centre historique est donc généralement occupé par un mélange de classes basses et moyennes. Jusque là tout va bien. Néanmoins la schizophrénie urbaine commence à partir du moment ou on prend en compte le fait que les disparités sociales en Amérique latine sont brutales. Les résidents des quartiers historiques n'ont donc souvent pas les moyens d'entretenir matériellement leur environnement construit. Donc puisque ceux qui en ont les moyens et qui y sont attaché, sont ceux qui ont le pouvoir, l'état se charge d'un processus d'entretient. Réfection des façades, des toitures qui surplombent la rue, peintures des balustrades et des volets... Ce qui compte n'est que la partie visible des bâtiments. Visible depuis le trottoir ou la fenêtre de la voiture. L'important c'est l'image du tissu de la ville historique. Et on s'en tient là. Un travail décoratif. Cette attitude se répète avec plus ou moins d'évidence dans la majorité des grandes villes. Par exemple Quito, où l'uniformité du centre historique est surprenante, et aguichante. Mais l'intérieur des maisons s'effondre, la partie des toits invisibles se décompose. Les espaces sont sous-utilisés. Un quartier théâtre. La porte est peinte, mais ne s'ouvre plus depuis longtemps. J'y ai passé des moments magnifiques, je tiens à préciser, car la vie urbaine est capable d'adaptation. Mais parfois un angle de vue laisse voir l'envers du décor. Et là on s'interroge. Jusqu'où cela a-t-il un sens? D'où ma référence aux murailles de Samaris, la ville imaginaire de Peeter et Schuiten, dans laquelle un héro déambule dans une ville inconnue, jusqu'à franchir le décor, et découvrir les mécanismes d'une ville faite de structures qui se déplacent... A vous de découvrir l'album!


Si la ville est le reflet de notre âme, de la profondeur de notre réflexion, de la qualité de nos idées, de l'état de notre civilisation. Comment interpréter ce désastre, cette évidente dégénérescence? Et jusqu'ou poussera-t-on le subterfuge? Une ville de carton, vraiment? Qu'est devenue la ville qui se reconstruit sur elle-même? Qu'est devenue la notion d'évidence, de cohérence et de sens dans l'environnement que nous nous bâtissons?



Vue des toilettes de l'hôtel dans le centre historique de Lima