jeudi 27 mars 2008

Heinz Stücke

C'est en attendant Lucio, enfin arrivé à Trujillo, dans la fameuse Casa de ciclistas (Perú) que j'ai découvert cette brochure.. Imaginez. J'arrive du nord du Perú. Cinq jours et demi depuis Cuenca en Equateur. Ce qui est plutôt rapide, pour faire pas loin de mille kilomètres. Retrouver la chaleur du niveau de la mer, le vent de la côte, le sable de cette région désertique. Mais c'était excitant, grisant et riche. Donc j'etais là, fraichement arrivé, impatient de rencontrer Lucio, puis de filer manger une glace bien méritée sur la place centrale. J'attendais sur le banc, dans son hall d'entrée-garage. Grande pièce un peu sombre, remplie a ras bord de pièces de vélo de toutes sortes. Dans mon dos une trentaine d'affiches de cyclistes grimacants. Depuis le vainqueur d'une course locale aux grands champions doppés.. J'attendais Lucio, patiamment. Puis j'ai vu cette brochure Mit dem Fahrrad um die Welt, Heinz Stücke. Dedicacée, dans le coin supérieur gauche. Et cette photo magnifique d'un type avec son vélo dans un desert, sous un arbre. J'ouvre. Un texte, des images. Je feuillette. Toujours le même type avec son vélo. Il est en Chine. La grand muraille. Puis l'Indes. Le Mali. L'Australie. L'Angleterre. La Colombie.. Et les pages se tournent. Ca continue. La Sibérie. Le Brésil. Les Etats-Unis. L'Egypte. Le Peru, le Tibet. Et j'en passe.. A la fin une carte du monde. Complètement gribouillée, son parcours... Heinz Stücke a quitté l'Allemagne à 20 ans pour faire un voyage en vélo. C'etait en 1960. Il s'en est jamais remis. Il roule toujours. 545'000 kilomètres. Avec le même vélo. Qu'il a resoudé, reparé, trafiqué, encore et encore.

Vertiges.

J'ai refermé la brochure. L'ai remise à sa place sur le meuble a Lucio.

Suis parti. Je retournerai voir Lucio un autre jour.

http://heinzstucke.com/
http://www.bikechina.com/heinzstucke1z.html


mercredi 26 mars 2008

Jamais les souris n’iront au Salon du chat

Transmis par Jean-Christophe:

« Exister à vélo implique donc de vociférer contre la voiture. C’est une question de survie. Dans l’équilibre naturel, les prédateurs trop nombreux menacent la disparition d’une espèce.
On pourrait considérer que, avec ses 10'000 morts par an rien qu’en France (35 millions de morts depuis sa création, selon la Croix-Rouge), l’automobile est devenu le premier prédateur de l’homme.
Et pourtant, la croissance de l’industrie automobile est considérée comme un indicateur de prospérité. On est pris de vertige devant la capacité d’auto-aveuglement de l’humain qui, dans une certaine mesure, instrumente sa propre extermination. Sans parler même de la fascination que la voiture exerce (digne de celle du cobra avant l’attaque mortelle) sur ses victimes (ou futures victimes) dont les revues spécialisées, publicités clinquantes valorisant la vitesse, et autres Salon de l’auto sont les manifestations les plus aberrantes.
Jamais aucune espèce, dans l’histoire de la création, n’avait engendré son propre prédateur avec autant d’enthousiasme.
Jamais les souris n’iront au Salon du chat. »

Tiré de Didier Tronchet, Petit Traité de vélosophie, Le monde vu de ma selle, éd Plon, mai 2000

dimanche 23 mars 2008

A la cycliste inconnue

Depuis où est-ce que j'entends parler de toi? Depuis le Mexique? Je ne suis plus sûr.. Mais tu me précèdes sur la route.. Tu es américaine, tu voyages seule, en vélo. A San Jose, au Costa Rica, un backpacker qui t'as rencontré m'a parlé de toi. A Panamá, peu avant Santiago, j'ai dormi dans le jardin d'une famille qui t'as vu passer sur la route 3 semaines avant moi. Puis en Colombie, loin de la panaméricaine, peu avant Pereìra, dans cette improbable hôtel-station service, où je suis arrivé de nuit, la dame du restaurant l'autre de côté de la route t'avais servi à manger une semaine auparavant. Mais depuis, plus rien. J'ai un peu ralenti le rythme entre la Colombie et l'Equateur. Tu as peut-être repris de l'avance? Passeras-tu dans l'inévitable Casa de ciclistas a Trujillo, au Perú? Prévois-tu de descendre jusqu'au sud? Quoiqu'il en soit bon vent.. et bonne route. C'est étonnant de suivre ta trace au hasard de la providence, milliers de kilomètres après milliers de kilomètres..!

jeudi 13 mars 2008

Mujer en la Danza

Ca s'est passe le 8 mars dernier, le lendemain de mon arrivée a Quito. Pour la journée mondiale de la femme, la fondation "Casa de la Danza" organise le VI festival internacional "Mujer en la Danza" consacré cette année a la mujer migrante. Je l'ai appris par une grande affiche sur le Teatro Nacional, qui indiquait 8 marzo, 20h, entrada libre. Moi qui aime la danse je m'y suis donc précipité. En prenant soin de donner un petit coup de rasage a mon allure de cycliste en voyage.. Mais rien dans mes bagages ne ressemble a ce qu'il faudrait porter pour sortir en grandes pompes, je n'ai que mon pantalon de montagne qui porte les traces des dernières semaines de voyage, mes basquets bon marchés qui commencent a s'user, ma veste polaire rouge et mon K-Way de vélo bleu. On ne peut pas dire que ce soit le meilleur moyen de passer inaperçu au théatre; mais c'est pas ça qui m'empêchera de voir un spectacle de danse en Equateur.
J'entre donc dans le théâtre peu avant le début du spectacle. Grande ambiance, le gratin de Quito s'y est donné rendez-vous. Je me faufile vers les escaliers d'accès, paye l'entrée suggérée d'1 dollars, puis tente d'accéder au parterre a gauche. Complet. Le groom m'invite à monter au balcon. J'acquiesce, mais tente tout de même a droite avant de monter. On me laisse passer. Brouhaha de début de spectacle, la salle est pleine à craquer, je descends l'allée en donnant l'impression de savoir ou je vais, tout en supervisant les places libres. Rien. Je me faufile entre les mondanités, toujours plus bas. Jusqu'a m'approcher du premier rang. Et la, tout devant, magnifique, 3 places de libres, quelques pas et je prends celle la plus au centre. Il est l'heure, le spectacle devrait commencer. Avec ma taille inhabituelle, et mon K-way bleu, je sens tous les regards dans mon dos. Peu importe, il va faire bientôt nuit je pense...
Mais pas du tout! Le spectacle commence par l'apparition d'une dame en grande robe blanche, qui s'avance sur scène micro à la main. Plusieurs caméras surgissent a sa suite. Elle annonce le gala d'ouverture du VI festival internacional "Murer en la Danza". Le gala d'ouverture! Je ne m'attendais qu'a un spectacle, mais ca sonne bien. Puis elle entame un grand discours, et remercie les personnalités présentes; a commencer par.. le ministre de la culture équatorien. Boum, les cameras se tournent sur le type assis a quatre siéges de moi!.. Puis elle continue.. Madame la ministre (j'ai oublie de quoi).. hop! les cameras se décalent d'un siège dans ma direction.. Autre madame la ministre.. hop! a deux sièges du mien... Monsieur l'ambassadeur d'Argentine.. hop! a un siège du mien. Il ne reste plus que ma voisine avant que ca vienne sur moi.. Mais je suis sauvé par une fanfare qui commence du fond de la salle; l'hymne national équatorien. Tout le monde se lève et chante en coeur. Les cameras prennent du champs et balaie le premier rang. Moi qui voulait passer inaperçu... Je commence a être pris d'un fou rire contenu en imaginant le burlesque de ma propre situation.. en K-way bleu (que je n'ose pas enlever malgré la chaleur, c'est toujours plus discret que la polaire rouge que je porte dessous), 3 têtes plus haut que tout le monde, au milieu de la moitie du gouvernement équatorien, le seul qui chante pas du premier rang, sous le feu des cameras... Fin de l'hymne. On se rassoit. C'est le tour des discours qui commence. Le ministre de la culture d'abord. Il prend le micro, puis, aidé d'un vieux bonhomme, hisse un grand drapeau blanc que je n'avais pas vu sur le coté de la scène. "Excusez-moi de ne pas avoir de discours prepare pour cette occasion (tu parles, il enchaine pendant au moins 15 minutes), Gracias al Presidente Correa pour sa présence d'esprit et pour l'image qu'il vient de donner au monde d'un pays qui sait pardonner pour faire la paix" (cette soirée a lieu le lendemain de la réunion de l’OEA, ou les présidents bolivariens se sont réconcilies suite a la quasi déclaration de guerre qui avait suivi l’assassinat par l’armée colombienne du chef FARC Raul Reyes en territoire équatorien, incursion totalement illégale). Puis, second discours, la ministre a trois siege du mien. Elle semble emue, et insiste beaucoup sur l'identité nationale. Puis la ministre suivante, qui parle enfin un peu de la condition de la femme. Et ca enchaine, remises de doctora honoris causa a plusieurs femmes. Congratulations réciproques, distributions de fleurs, embrassades.
Personne ne m’a demandé de faire un discours. Mais si cela avait été le cas, j’aurais souhaité demander si le choix de la compagnie israélienne qui a ensuite ouvert le festival était intensionnel. Car personne n’en a parlé, et pourtant, voir ces 4 danseuses pendant plus d’une heure en dessous de cet immense drapeau blanc ne m’a pas paru anodin.
A la fin du spectacle, en remontant l'allée, j'ai vu les panneaux passés involontairement en descendant... Ca commencait par invitados especiales, puis plus bas embajadas, puis participantes et finalement gobernio. Etannant qu'on n'ait pas arreté dans ma course..
Pour terminer la petite histoire, deux jours plus tard, sur la Plaza Grande de Quito, j'ai attéri par hasard au milieu d'une foule qui écoutait un discours présidentiel. Probablement le retour de la tournée diplomatique. Et en m'approchant du balcon, j'ai souri en reconnaissant ma voisine de l'autre soir, debout derriere le président.

lundi 10 mars 2008

CAPITULO DOS: Atteindre la Colombie, disfrutar et s'en aller

L'itinéraire et les images.
Costa Rica - Panamá - Colombia - Ecuador



Hola amigas amigos!
Me voilà donc a Quito, capitale equatorienne perchée dans les Andes à 2900 mètres. Terme de ce que j'ai choisi être le "Capitulo 2" de ce voyage a vélo. Il est temps de donner quelques nouvelles après 9 semaines depuis San José.
Jean-Christophe rentré en Suisse, j'ai donc continué seul. Ma route m'a mené d'abord sur la côte Caraïbe du Costa Rica, puis l'archipel Bocas del Toro au Panamà. Ensuite de retour sur la panaméricaine côté pacifique, j'ai atteind Panamá City, puis Colón, à nouveau du côté caraïbe. J'y ai fait 1 partout avec les ladrones (voleurs) de la région, puis j'ai embarqué à bord du voilier "Gitan", pour gagner la Colombie en un peu plus de 2 semaines de navigation. (cf message précédent "du Gruyère dans les San Blas", 1er février 2008).
Ah la Colombie! Autant le dire tout de suite, je n'ai pas été sequestré, ni attaqué en y posant le pied. Comme pour beaucoup de lieu dans le monde, il y a beaucoup de méconnaissance à propos de ce pays mystérieux. Mais les 6 semaines que j'y ai passé sont bien insuffisantes pour pouvoir prétendre comprendre ce qui s'y passe. Par contre je peux le dire, l'accueil fût systématiquement très chaleureux, parfois bien au-delà de ce que j'ai rencontré en amérique centrale. Les paysages traversés etaient de toutes beautés et la route m'a semblée relativement sûre.
Depuis mon entrée sur le continent, j'ai pris plein sud:
Cartagena - Sincelejo - Medellín - Pereíra
A Pereíra j'ai retrouve ma soeur et Julien, qui y résidaient au mois de février le temps de suivre un cours sur le Bambu Guadua. Un matériaux de construction en plein développement en amérique latine. Les deux sont maintenant en train d'achever 6 mois de stage dans le sud du pays, à Ricaurte. Merci Elsa et Julien pour votre hospitalité et votre compagnie!
Depuis là, j'ai rendu visite en bus a Julien Wist qui vit et travaille à Bogotá depuis plusieurs années. Merci encore Julien pour ton accueil!
De retour a Pereíra j'ai repris la panaméricaine plein sud:
Pereíra - Popayan - Pasto - Ipiales - Quito
Où me voilà dans les nuages et la pluie. La suite, et bien je pense que le moment de rentrer n'est pas encore tout a fait arrivé, pour autant que je parvienne à recevoir le pacquet de Suisse avec mes nouveaux pneux... J'ai abandonné l'idée evoquée, de traverser l'Amazonie en bateau pour atteindre Julien Ineichen a Recife au Brésil. Trop irréaliste, seul, avec tout mon equipage. Je vais donc continuer au sud, jusqu'à ce que j'arrête de pédaler..
Un Gran Abrazo a todas y todos et je me réjouis d'avoir de vos nouvelles!
Pierre qui roule...

PS. Quelques souvenirs et anecdotes, dans l'ordre chronologique:

- Les jus de fruit de Mme Suarez, Maracuya - Banane, sur la Plaza Trinidad du Barrio Getsemani en Cartagena. Merci Manuela d'avoir pris soin jour après jour de la cicatrisation de mon pied!
- Un cono soft sur la place centrale de Sincelejo avant d'aller se coucher. La Colombie a activé une furieuse manie de manger des glaces.. par centaines..
- La Corraleja (Corrida a la colombienne) a Planeta Rica, dans une Plaza de Toros éphémère de 6000 places. L'arène est ouverte à qui veut aller braver les taureaux, qui ne sont jamais mis a morts. Les plus casse-coups ou les plus souls viennent reclamer les pièces du public après avoir tentés et parfois réussi sauts périeux par-dessus les cornes et autres acrobaties taureaumachiquement non reglementaires! Paraît que parfois ca se termine mal...
- Après 470km de plat en 3 jours, le mur de Valdivia. Je n'oublierai jamais ces 30km de grimpée pour presque 3000 mètres de denivelé jusqu'à Ventanas. Ensuite s'enchaînent plusieurs vallons profonds pour atteindre Santa Rosa complètement épuisé. Despuis cette furieuse montée, j'ai l'obsession d'éliminer n'importe quel poids de mes bagages pas absolument nécessaire. Peler les bananes à l'avance, couper le savon en 4, vider presque tout le dentifrice, supprimer les ficelles des sachets de thé, découper les morceaux de carte inutiles,...
- Medellín, parce que c'est la première ville de tout le voyage qui impressione par ses infrastructures. Paraît que c'est tout Pablo Escobar et ses acolytes qui ont payé.
- L'étape impossible: Medellín - Pereíra en un jour, pour être sûr d'être à temps chez ma soeur pour participer au week-end insitu. Suis arrivé à temps, mais pas en une fois, malgré le raccourci par Chinchiná. Plusieurs cols et pas loin de 190km tout de même. (faut dire que si proche de l'equateur, on droit qu'à 12 heures de jour, pas un poil de plus).
- Diego Manuel Ortega, qui a voulu me vendre sa finca (ferme de production) près d'El Bordo, dans le Cauca. Il y élève des poissons, exploite la matière première de la céramique, produit beaucoup de café, du bambu Guadua. Il m'a demandé de faire suivre l'information, si quelqu'un est intéressé, voici son cellulaire: 311-742-2803
- Popayan - Pasto, 2 journées de vélo magnifiques dans le Valle Patía. Sauvage, intense, splendide. Dangereux aussi, mais je ne le saurais que par ma soeur, qui l'a appris a ses dépends, en traversant cette région en bus le lendemain.
- Deux vieilles dames témoins de Jéhovah qui, pendant une pause chocolats, m'ont fait lire des passages de la bibles en espagnol, tout en corrigeant mon accent de Madrid avec beaucoup de sérieux.
- La tension des derniers jours grace aux prouesses diplomatiques du "perro de los imperialistos" comme ils surnomment ici Uribe. Mais ca n'a pas saccagé la fin du parcours qui s'est très bien passé, passage de frontière compris.