samedi 26 avril 2008

Martine

Martine. On s'est croisé dans le magasin de vélo de Cuzco. Quelques mots sur le cyclonautisme, elle roule vers le sud, tout comme moi. Échanges d'émail. J'étais un peu déconcentré par le pédalier de mon vélo en pièces détachées que les clients du magasin enjambaient pour parvenir au comptoir. Elle s'en va, je rassemble mes pièces.
Martine! Mais c'est elle! Ce ne peut qu'être elle!! La cycliste inconnue qui me précède depuis le Mexique! Je cours au café internet.. "On se connaît Martine! Je t'ai déjà adressé un message sur mon blog! Regarde!"
Martine est de Quebec, roule en vélo depuis L'Alaska, vise Tierra del Fuego en treize mois. "Une fille, deux roues, trois Amériques". Longue expérience du cyclonautisme en de multiples voyages, le moral et la curiosité bien accrochés. Après cinq mois de route, neuf milles kilomètres l'un derrière l'autre. Après tant de personnes sur la route qui m'avaient parlé d'elle. Rencontre a Cuzco!
Chebere Martine! Bonne route, et a bientôt peut-etre?

Le blog de Martine


vendredi 18 avril 2008

Pampamarca

La route de Cuzco passe trois fois a plus de quatre mille mètres. Lors du deuxième passage, elle y reste plusieurs dizaines de kilomètres dans de long faux plats, puis passe un point culminant à 4500 mètres.

J'approchais donc de ce col, lorsque la route a bifurqué en plein dans l'averse qui me narguait depuis un moment. Parfois la route n'est vraiment pas maline. Tempête de neige au passage de l'Abra Huashuaccasa. Et la descente se fait sentir dans le brouillard. Mais pas la peine de se laisser griser par la vitesse, contre le vent, les flocons sont un lancé d'épingles sur le visage et dans les yeux. Une demi-heure plus tard, coup de chance. Avant même d'être complètement trempé et transi de froid, une auberge émerge du brouillard. Je m'arrête sans hésiter. Pampamarca, du nom de cette région haute des Andes. "Olá buenas tardes". J'expédie rapidement les questions habituelles en les anticipant. "Soy Europeo - vengo en bici desde Mexico - hace cinco meses - nueve mil kilometros - el precio de la bicicleta es relativo - no tiene motor - si, estoy cansado". Et j'entame le caldo de pollo (soupe aux pattes de poulets) ainsi que la conversation avec mon voisin de table. Daniel est ici depuis trois jours. Il est payé pour dépecer à l'oxygène la carcasse d'un car à deux étages qui est sorti de la route faisant vingt-et-un morts au mois de mars. En effet un morceau du car est déjà devant l'auberge. C'est alors que je remarque en face de moi, deux de ces fameuses reproductions couleurs des Alpes suisses, format trente-cinq par cinquante, punaisées juste en dessus d'un attroupement rivé sur une petite télévision noir-blanc. Celle de gauche je la vois régulièrement depuis la Colombie, celle de droite est nouvelle. Un chalet, des vaches, un pré, quelques fruitiers, un sommet enneigé, le ciel bleu. Pour une fois, je me donne la peine de faire une photo de cet anagéoisme. Et à cet instant, un conducteur de camion entre dans la pièce en claquant la porte et crie "Dos Nescafe!" Perplexe, je me demande si on va me servir une Ovo chaude, avec une tartine au Cenovis que je devrait payer en francs suisses? Mais non, les choses ont repris un cours normal, et la journée s'est terminée avec le dégagement bienvenu du ciel. J'ai passé une très mauvais nuit. Puisqu'après quatre semaines au bord de la mer, dormir à 4200 mètres d'altitude demanderai un peu plus d'acclimations.

Le lendemain reprise de la route qui commençait par une montée, parce qu'en fait il restait encore trente kilomètres avant la vraie descente. Dont je n'ai pourtant failli jamais profiter, je vous explique. Juste avant d'entamer les fameuses "siete curbas" (sept magnifiques épingles à cheveux) il faut traverser un dernier petit village. En m'approchant de celui-ci, je me suis demandé pourquoi tout les habitants portaient des casques. En fait des ouvriers qui creusaient une tranchée le long de la route. A ce moment l'un deux s'élance dans ma direction en agitant un T-shirt vert. Il m'hurle quelque chose que je ne comprends pas. Ayant perdu l'habitude de m'arrêter à chaque situation étrange, parce que ça se passe tout le temps, et qu'on sait jamais l'intention réelle des auteurs, je le croise avec un cordial bonjour.. La route est libre. Quelques mètres plus loin je remarque pourtant un groupe de villageois planqué dans une ruelle, agglutinés à l'angle du mur pour regarder dans la direction dans laquelle je vais. A cet instant me revient en mémoire l'histoire de Jean-Christophe à qui il est arrivé exactement la même chose au Tibet. J'hésite, je freine. Puis une siñora m'hurle "Va explodar!" Demi-tour, retour au niveau du T-shirt vert, à peine le temps de me tourner avec l'appareil et boum, le bord de la route vole en éclat avec une partie d'une maison adjacente (ce qui n'était probablement pas intentionnel...) Gros rire avec le type au casque. Merci Jean-Chri de m'avoir mis la puce à l'oreille en me racontant ton histoire. C'est pour ça que je vous la raconte à mon tour...! Mais j'ai de nouveau oublié comment ils disent "ça va exploser" au Perú...


vendredi 11 avril 2008

"Les murailles de Samaris"

En essayant de comprendre certaines facettes des villes d'Amérique Latine, le titre de cet album de la fameuse série des Cités Obscures m'est revenu en mémoire. Car plus je traverse de centres urbains, plus les similarités des grandes villes de mon voyage m'interrogent, et me rappellent la fiction de Schuiten et Peeters.


Les villes de tailles moyennes, ou de petites tailles, sont remplies de sens. Moins elles ont d'intérêts touristiques, plus on y trouve de cohérence. La route principale vous amène au centre du bled, constitué d'une place quadratique de grande taille, pourvue de verdure ou d'une fontaine. Ce bloc évidé est bordé par quatre rues, qui se poursuivent dans le tissu urbain et qui séparent de manière plus ou moins heureuse l'espace central des façades qui le qualifie. Celles-ci sont généralement constituées de commerces qui sont de plus en plus prestigieux, au fur et à mesure que la ville est plus importante. Une forme de gradation centrifuge des espaces, facile à comprendre et simple à appliquer.


Dans les grandes villes cette structure est évidemment bien plus complexe. On retrouve notre place quadratique, parfois doublée ou triplée, quelque part dans le tissu urbain. Généralement dans le centre historique. Ce quartier est d'époque coloniale, si les tremblements de terre n'en ont pas détruit la totalité. Mais ce qui est surprenant, c'est que le centre historique de la grande ville type d'Amérique Latine est généralement un quartier déprécié. La population qui en a les moyens fuit les illustres bâtiments pour s'installer dans de nouveaux quartiers. Générant un ou plusieurs nouveaux centres qui sont presque toujours exceptionnellement laids. Des bâtiments qui utilisent maladroitement le verre et le béton. Des avenues très larges pour y faire circuler l'automobile, où vous risquer votre peau quand il faut traverser la rue. Des espaces pour piétons inexistants, les trottoirs sont des parkings, les espaces publics réduits au minimum, excepté parfois quelques parcs. Les prix du commerce sont multipliés par trois ou plus. Les stations d'essence, supermarchés et fastfood y pullulent, et la population aisée en raffole. C'est l'ouest lausannois devenu quartier prestigieux...


Pourtant la valeur sentimentale, morale et touristique du centre historique n'a pas disparu. Car les églises, cathédrales, palais gouvernementaux et certains autres bâtiments publics et culturels s'y trouvent toujours. On y est donc attaché, mais on ne veut surtout pas y résider.


Etat de fait qui profite à d'autres: le centre historique est donc généralement occupé par un mélange de classes basses et moyennes. Jusque là tout va bien. Néanmoins la schizophrénie urbaine commence à partir du moment ou on prend en compte le fait que les disparités sociales en Amérique latine sont brutales. Les résidents des quartiers historiques n'ont donc souvent pas les moyens d'entretenir matériellement leur environnement construit. Donc puisque ceux qui en ont les moyens et qui y sont attaché, sont ceux qui ont le pouvoir, l'état se charge d'un processus d'entretient. Réfection des façades, des toitures qui surplombent la rue, peintures des balustrades et des volets... Ce qui compte n'est que la partie visible des bâtiments. Visible depuis le trottoir ou la fenêtre de la voiture. L'important c'est l'image du tissu de la ville historique. Et on s'en tient là. Un travail décoratif. Cette attitude se répète avec plus ou moins d'évidence dans la majorité des grandes villes. Par exemple Quito, où l'uniformité du centre historique est surprenante, et aguichante. Mais l'intérieur des maisons s'effondre, la partie des toits invisibles se décompose. Les espaces sont sous-utilisés. Un quartier théâtre. La porte est peinte, mais ne s'ouvre plus depuis longtemps. J'y ai passé des moments magnifiques, je tiens à préciser, car la vie urbaine est capable d'adaptation. Mais parfois un angle de vue laisse voir l'envers du décor. Et là on s'interroge. Jusqu'où cela a-t-il un sens? D'où ma référence aux murailles de Samaris, la ville imaginaire de Peeter et Schuiten, dans laquelle un héro déambule dans une ville inconnue, jusqu'à franchir le décor, et découvrir les mécanismes d'une ville faite de structures qui se déplacent... A vous de découvrir l'album!


Si la ville est le reflet de notre âme, de la profondeur de notre réflexion, de la qualité de nos idées, de l'état de notre civilisation. Comment interpréter ce désastre, cette évidente dégénérescence? Et jusqu'ou poussera-t-on le subterfuge? Une ville de carton, vraiment? Qu'est devenue la ville qui se reconstruit sur elle-même? Qu'est devenue la notion d'évidence, de cohérence et de sens dans l'environnement que nous nous bâtissons?



Vue des toilettes de l'hôtel dans le centre historique de Lima

dimanche 6 avril 2008

La guerre du transit

Suis entré dans Lima on aurait dit une ville en guerre. Le champs de bataille la panaméricaine norte. La lumière acre du désert. La poussière des dunes et du diesel. Une armée de camions et de bus en furies. Des taxis mercenaires. Un gladiateur gesticulant sur un vélo. C'etait chacun pour soit. 45 kilomètres de lutte acharnée. Faut être coursiers ou aimer ca (ou les deux) pour survivre. M'en suis donc tiré sans trop de mal. Mais la guerre du transit avait des ressources, et m'a pris par derrière. Le champs de bataille les toilettes de l'hôtel (et c'est pas peu dire!) Objet du litige, la comida servie par "El tiburon", 50 bornes avant Barranca.. Littéralement assiegé nuit et jour par l'ennemi, j'ai d'abord essayé d'imposer un embargo. Mais après 5 jours de bataille, j'ai tiré la sonnette d'alarme, pour appeler la cavalerie pharmaceutique. Les premiers résultats sont encourageants. Ca voulait échapper aux touristes, et c'est rattrapé par la tourista. Qui pensait donc qu'on pouvait feindre sa condition?

mardi 1 avril 2008

Heinz Stücke II y la casa de ciclistas

Je suis venu a Trujillo pour voir le mythe. J'ai rencontré une famille, le mythe et un icône.

Le mythe c'est la casa de ciclistas et son propriétaire, Lucio, cycliste invétéré au coeur grand comme un plateau d'au moins 63 dents. J'ai signé le grand livre.. 944ème cycliste a passer la nuit dans son chez lui. 944ème cycliste a être accueilli a bras grands ouverts, au vu des messages laissés dans le grand livre. "Que puis-je faire pour ton vélo? Comment était la route jusqu'ici? Les voleurs de Paijan t'ont-ils épargné? Installe-toi, et repse-toi." Merci Lucio!

L'icône, c'est le padre. L'abuelo comme il dit lui-même. Heinz Stücke. La providence l'a mis ici, au cours de son interminable périple. Qui le conduit cette fois-ci de Denver à Santiago du Chili, d'où il s'en va pour l'île de Pâques. Un monument du voyage à lui-seul. Imaginez qu'il a dépassé le demi million de kilomètres. Qu'il vous parle chinois, puis russe, puis s'arrête et lance. "Ah mais tu parles même pas russe?". Trapus, solide, il roule depuis l'âge de 20 ans, 47 années de voyage sans jamais s'arrêter, hormis pour vendre ses brochures, qui racontent son périple, et le financent en même temps. 6 années rien qu'en Afrique, à pousser son vélo sur les pistes, à echapper aux abeilles tueuses, a regarder le ciel a la jumelle, a resouder le cadre de son vélo. Qui a quand-même fini par rendre l'âme, il y a quelques annees aux Etats-unis. Des histoires à n'en plus finir. Et le moteur a l'intérieur, comme il dit, toujours là, intacte. "Encore tellement de choses a voir, je sais pas si j'aurais le temps..." Comme il a passé 10 selles Brooks, jusqu'à la déchirer le cuir(!), il m'a enseigné les bons soins de la miennee, pour sauver la peau des fesses.. Un icône je vous dis. Un icône en or. Même si ca surprend. Chevere! Heinz, de t'avoir rencontré!

Puis dans cette petite famille d'infortune, il y avait aussi Cati et Eusebio, parti de Mallorca pour un tour du monde vers l'ouest en 3 ans. Plaisir de vous avoir croisé pour quelques jours a la casa! Quel chemin vous attend..! Que les vaya bien! et bonne route amigos!

Et à propos de Jean, il faut le voir pour le croire. Paré d'un maillot du tour de France rouge complètement delavé, le cheveux grisonnant.. Pensez! 72 ballets et un tour du monde vers l'est! En deux ans, seul! Monté sur un vieux Peugot briquolé a merveille.. Jean remonte, jusqu'à Caracas, ou l'attend son avion pour Madrid, depuis où il bouclera sa virée, dans les Pyrénées françaises. Magnifique! Incroyable! Félicitations!

Trois jours seulement. Trois jours en famille comme si on se connaissait tous depuis des années. Trois jours qui compteront dans le voyage!