vendredi 1 février 2008

Du Gruyère dans les San Blas

Me voila donc a Cartagena. Youhouhou! la Colombie, enfin!
Je soigne ma blessure au pied. On m'a enlevé ce matin un morceau de verre d'un centimètre de long qui était profondément plante dans l'os du talon, à tel point que j'étais même pas sur d'avoir quelque chose dans ma plaie, et pourtant ça ne se soignait pas, raison pour laquelle je commençais a m'inquiéter. Enfin la clinique a fait du bon travail et c'est une bonne chose de faite. Mais vu l'entaille que le doc a du faire. Je suis bon pour une semaine sur le balcon de l'hôtel a lire des bouquins sans bouger.. Mais reprenons depuis le début..

L'aventure a bien commence cette fois-ci, sans aucun doute, depuis trois semaines.. A Panamá City déjà, je me suis égaré dans ce quartier crénios (el Chorillo) sans vraiment faire exprès. Bon je me suis dit que ça allait passer. Mais quand une voiture s'est arrêtée pour me dire de me tirer vite fait, j'ai suivit le conseil. C'est peu après que j'ai vu ce type courir a cote de mon vélo en me regardant. Genre jeans de marque, marcel blanc, chaine en or, casquette. Sans comprendre tout de suite, j'ai vu du coin de l'œil les deux autres qui couraient derrière mon vélo a deux mètres du porte-bagage.. J'ai donc pousse sur les pédales par reflexe et échappé de justesse au racket qui aurait mis fin au voyage. Ouh la montée d'adrénaline..

Tout content de mon coup de chance, je m'en vais a Colòn sur la cote Atlantique du Panamà a la recherche d'un bateau a voile pour traverser jusqu'en Colombie. Des mon arrivée dans la banlieue je sens que ça va être chaud. Les gens me fixent ou crient a mon passage des choses pas très gentilles. Je plonge sur les premiers flics que je croise, et ils m'accompagnent a un hôtel. Le fait qu'ils me paraissent encore plus inquiet que moi ne me tranquillise pas. Et après une courte sortie pour manger, je reste cloitré la fin de journée dans ma chambre. Ensuite le lendemain matin, je vais au port pour chercher un bateau. Et entre deux quais, un type me pose une question. Je sens venir le truc, et tente de détourner l'attention, mais avant même que je trouve un moyen de me sortir du mauvais pas, je sens mes deux pieds décoller du sol.. Quelqu'un me soulève par une clé de bras dans le dos et 4 gaillards me fond les poches en 20 secondes, tandis que je bredouille en les regardant faire. Je perds ma montre de montagne et quelques dollars. Mais je ne rouspète pas, parce qu'ils n'ont pas senti ma banane sous mes habits avec argent, passeport et carte de crédit. Je me tire vite fait un peu choqué et me réfugie plus loin prés d'un garde armé qui m'accompagne à un taxi. De retour a l'hôtel, je pacquete immédiatement mes affaires et demande une escorte pour sortir de la ville au plus vite. A nouveau les regards qui me fixent, je monte l'allure, l'adrénaline me fait tenir une vitesse moyenne jamais atteinte jusqu'au petit port suivant, Portobelo. C'est là que je tombe sur Christian, ce danois de 65 ans, en voyage avec un vélo lui aussi. Je lui raconte mon aventure, et lui me renvoie la sienne. 3 jours plus tôt, également a Colòn, bataille au couteau pour sauver ses économies. Cette ville ne laisse personne indemne. Il se rend également en Colombie. Et donc par chance, avec son aide et celle d'un intermédiaire, je trouve un voilier pour la Colombie en une heure. On embarque.

Changement radical d'univers. De celui ou le territoire est infini, ou tous les jours je vais et dors ou bon me semble, ou je mange tant est plus. A celui ou on est coincé à 7 sur un petit bateau 2 couchettes, ou c'est le regime alimentaire force et ou on est completement dependant d'un capitaine et de son rafiot. J'ai nomme le "Gitan", un "petit prince" de 42 pieds immatricule a Ajaccio et tenu par un breton bien porte sur la boisson. Nous partons. Le capitaine Remy, sa compagne colombienne trois fois plus jeune, trois surfeurs gringos en quete d'embrouilles, et Christian, injenieur en mecanique navale (une chance!). L'etat de la mer n'est pas avec nous. Il faut remonter le vent et nous faisons une halte pour les papiers dans les iles paradisiaques de la cote caraibe du San Blas (province de Panamà). C'est en débarquant sur cette îles que j'ai marché sur ce morceau de verre. Bien enfonce dans le pied, le capitaine qui, plus il picolait ce soir-la, plus il avait fait d'annee de chirurgie dans sa carrière de .. kinesitherapeute -j'aprenais plus tard-.. m'alonge sur la table à manger et me cure le pied a la lampe de poche pendant que je hurle. Rien dit-il, désinfection a l'eau de javelle et eau de mer et ça passera. Heureusement que j'ai les antibios de la pharmacie. Le lendemain un bateau arborant le pavillon suisse ancre a cote de nous. Thierry et Patricia ont construit leur bateau au Mont-sur-Lausanne! et sont en voyage depuis 5 ans avec leur fils du meme age. On mange du Gruyère.. Youhouhou! c'est fou, merci les amis! Six jours plus tard nous reprenons la mer parce que les vivres et la reserve de Rhum s'amenuisent dangereusement.. Ca secoue, les tempetes de l'Atlantique nord nous amenent de jolis cadeaux de 4 metres de haut toutes les 6 secondes. Impossible d'eviter le mal de mer. Dès le matin suivant on déchire le genois. Faudra donc finir la traversee au moteur.. ce qui signifie 3 nuits et 4 jours d'affilee les oreilles a 50cm du gros moteur diesel sur qui tous nos espoirs reposent.. Mais que voulez-vous quand une série commence, on sait ni comment ni quand ca prendra fin.. Alors le capitaine oublie d'alimenter le reservoir quotidien. Donc c'est la panne en plein dans la deuxieme nuit. Branle-bas de combat a bord, dans la houle. On rerempli le reservoir. Mais reste a faire demarrer le vieux diesel, ce qui n'est pas la meme sinécure qu'un moteur a essence. Faut tout demonter filtres, carbus, gicleurs, injecteurs, en fond de cale dans les vagues, à la lampe de poche, entre odeur de mazout et celle du mal de mer. Et tout ca sans les bons outils que le capitaine ne trouvait plus. Alongé pour supporter la houle, je traduis la notice technique de francais en l'anglais pour Christian, couché sous le moteur. Point après point, nous enlevons les bulles du système. Au bout de deux heures on commence a penser aux secours. Puis par un coup de chance le moteur redémarre. Quelle sera la prochaine surprise? Je passe les détails. Tout se termine bien 3 jours plus tard en arrivant a Cartagène, enfin!

Je decouvre cette ville aux milles merveilles. Ca grouille de monde, de fruits, d'artisants.. et j'ai même trouve une clinique qui m'a sorti du pied mon nouveau "mejor amigo" -m'a dit le docteur en me tendant le morceau de verre tout a l'heure-.. Une semaine de repos et avec un peu de chance dans 10 jours je vais retrouver ma soeur a Pereira au sud de Medellin. Ouf! quelle aventure..