vendredi 18 avril 2008

Pampamarca

La route de Cuzco passe trois fois a plus de quatre mille mètres. Lors du deuxième passage, elle y reste plusieurs dizaines de kilomètres dans de long faux plats, puis passe un point culminant à 4500 mètres.

J'approchais donc de ce col, lorsque la route a bifurqué en plein dans l'averse qui me narguait depuis un moment. Parfois la route n'est vraiment pas maline. Tempête de neige au passage de l'Abra Huashuaccasa. Et la descente se fait sentir dans le brouillard. Mais pas la peine de se laisser griser par la vitesse, contre le vent, les flocons sont un lancé d'épingles sur le visage et dans les yeux. Une demi-heure plus tard, coup de chance. Avant même d'être complètement trempé et transi de froid, une auberge émerge du brouillard. Je m'arrête sans hésiter. Pampamarca, du nom de cette région haute des Andes. "Olá buenas tardes". J'expédie rapidement les questions habituelles en les anticipant. "Soy Europeo - vengo en bici desde Mexico - hace cinco meses - nueve mil kilometros - el precio de la bicicleta es relativo - no tiene motor - si, estoy cansado". Et j'entame le caldo de pollo (soupe aux pattes de poulets) ainsi que la conversation avec mon voisin de table. Daniel est ici depuis trois jours. Il est payé pour dépecer à l'oxygène la carcasse d'un car à deux étages qui est sorti de la route faisant vingt-et-un morts au mois de mars. En effet un morceau du car est déjà devant l'auberge. C'est alors que je remarque en face de moi, deux de ces fameuses reproductions couleurs des Alpes suisses, format trente-cinq par cinquante, punaisées juste en dessus d'un attroupement rivé sur une petite télévision noir-blanc. Celle de gauche je la vois régulièrement depuis la Colombie, celle de droite est nouvelle. Un chalet, des vaches, un pré, quelques fruitiers, un sommet enneigé, le ciel bleu. Pour une fois, je me donne la peine de faire une photo de cet anagéoisme. Et à cet instant, un conducteur de camion entre dans la pièce en claquant la porte et crie "Dos Nescafe!" Perplexe, je me demande si on va me servir une Ovo chaude, avec une tartine au Cenovis que je devrait payer en francs suisses? Mais non, les choses ont repris un cours normal, et la journée s'est terminée avec le dégagement bienvenu du ciel. J'ai passé une très mauvais nuit. Puisqu'après quatre semaines au bord de la mer, dormir à 4200 mètres d'altitude demanderai un peu plus d'acclimations.

Le lendemain reprise de la route qui commençait par une montée, parce qu'en fait il restait encore trente kilomètres avant la vraie descente. Dont je n'ai pourtant failli jamais profiter, je vous explique. Juste avant d'entamer les fameuses "siete curbas" (sept magnifiques épingles à cheveux) il faut traverser un dernier petit village. En m'approchant de celui-ci, je me suis demandé pourquoi tout les habitants portaient des casques. En fait des ouvriers qui creusaient une tranchée le long de la route. A ce moment l'un deux s'élance dans ma direction en agitant un T-shirt vert. Il m'hurle quelque chose que je ne comprends pas. Ayant perdu l'habitude de m'arrêter à chaque situation étrange, parce que ça se passe tout le temps, et qu'on sait jamais l'intention réelle des auteurs, je le croise avec un cordial bonjour.. La route est libre. Quelques mètres plus loin je remarque pourtant un groupe de villageois planqué dans une ruelle, agglutinés à l'angle du mur pour regarder dans la direction dans laquelle je vais. A cet instant me revient en mémoire l'histoire de Jean-Christophe à qui il est arrivé exactement la même chose au Tibet. J'hésite, je freine. Puis une siñora m'hurle "Va explodar!" Demi-tour, retour au niveau du T-shirt vert, à peine le temps de me tourner avec l'appareil et boum, le bord de la route vole en éclat avec une partie d'une maison adjacente (ce qui n'était probablement pas intentionnel...) Gros rire avec le type au casque. Merci Jean-Chri de m'avoir mis la puce à l'oreille en me racontant ton histoire. C'est pour ça que je vous la raconte à mon tour...! Mais j'ai de nouveau oublié comment ils disent "ça va exploser" au Perú...


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