En essayant de comprendre certaines facettes des villes d'Amérique Latine, le titre de cet album de la fameuse série des Cités Obscures m'est revenu en mémoire. Car plus je traverse de centres urbains, plus les similarités des grandes villes de mon voyage m'interrogent, et me rappellent la fiction de Schuiten et Peeters.
Les villes de tailles moyennes, ou de petites tailles, sont remplies de sens. Moins elles ont d'intérêts touristiques, plus on y trouve de cohérence. La route principale vous amène au centre du bled, constitué d'une place quadratique de grande taille, pourvue de verdure ou d'une fontaine. Ce bloc évidé est bordé par quatre rues, qui se poursuivent dans le tissu urbain et qui séparent de manière plus ou moins heureuse l'espace central des façades qui le qualifie. Celles-ci sont généralement constituées de commerces qui sont de plus en plus prestigieux, au fur et à mesure que la ville est plus importante. Une forme de gradation centrifuge des espaces, facile à comprendre et simple à appliquer.
Dans les grandes villes cette structure est évidemment bien plus complexe. On retrouve notre place quadratique, parfois doublée ou triplée, quelque part dans le tissu urbain. Généralement dans le centre historique. Ce quartier est d'époque coloniale, si les tremblements de terre n'en ont pas détruit la totalité. Mais ce qui est surprenant, c'est que le centre historique de la grande ville type d'Amérique Latine est généralement un quartier déprécié. La population qui en a les moyens fuit les illustres bâtiments pour s'installer dans de nouveaux quartiers. Générant un ou plusieurs nouveaux centres qui sont presque toujours exceptionnellement laids. Des bâtiments qui utilisent maladroitement le verre et le béton. Des avenues très larges pour y faire circuler l'automobile, où vous risquer votre peau quand il faut traverser la rue. Des espaces pour piétons inexistants, les trottoirs sont des parkings, les espaces publics réduits au minimum, excepté parfois quelques parcs. Les prix du commerce sont multipliés par trois ou plus. Les stations d'essence, supermarchés et fastfood y pullulent, et la population aisée en raffole. C'est l'ouest lausannois devenu quartier prestigieux...
Pourtant la valeur sentimentale, morale et touristique du centre historique n'a pas disparu. Car les églises, cathédrales, palais gouvernementaux et certains autres bâtiments publics et culturels s'y trouvent toujours. On y est donc attaché, mais on ne veut surtout pas y résider.
Etat de fait qui profite à d'autres: le centre historique est donc généralement occupé par un mélange de classes basses et moyennes. Jusque là tout va bien. Néanmoins la schizophrénie urbaine commence à partir du moment ou on prend en compte le fait que les disparités sociales en Amérique latine sont brutales. Les résidents des quartiers historiques n'ont donc souvent pas les moyens d'entretenir matériellement leur environnement construit. Donc puisque ceux qui en ont les moyens et qui y sont attaché, sont ceux qui ont le pouvoir, l'état se charge d'un processus d'entretient. Réfection des façades, des toitures qui surplombent la rue, peintures des balustrades et des volets... Ce qui compte n'est que la partie visible des bâtiments. Visible depuis le trottoir ou la fenêtre de la voiture. L'important c'est l'image du tissu de la ville historique. Et on s'en tient là. Un travail décoratif. Cette attitude se répète avec plus ou moins d'évidence dans la majorité des grandes villes. Par exemple Quito, où l'uniformité du centre historique est surprenante, et aguichante. Mais l'intérieur des maisons s'effondre, la partie des toits invisibles se décompose. Les espaces sont sous-utilisés. Un quartier théâtre. La porte est peinte, mais ne s'ouvre plus depuis longtemps. J'y ai passé des moments magnifiques, je tiens à préciser, car la vie urbaine est capable d'adaptation. Mais parfois un angle de vue laisse voir l'envers du décor. Et là on s'interroge. Jusqu'où cela a-t-il un sens? D'où ma référence aux murailles de Samaris, la ville imaginaire de Peeter et Schuiten, dans laquelle un héro déambule dans une ville inconnue, jusqu'à franchir le décor, et découvrir les mécanismes d'une ville faite de structures qui se déplacent... A vous de découvrir l'album!
Si la ville est le reflet de notre âme, de la profondeur de notre réflexion, de la qualité de nos idées, de l'état de notre civilisation. Comment interpréter ce désastre, cette évidente dégénérescence? Et jusqu'ou poussera-t-on le subterfuge? Une ville de carton, vraiment? Qu'est devenue la ville qui se reconstruit sur elle-même? Qu'est devenue la notion d'évidence, de cohérence et de sens dans l'environnement que nous nous bâtissons?
Les villes de tailles moyennes, ou de petites tailles, sont remplies de sens. Moins elles ont d'intérêts touristiques, plus on y trouve de cohérence. La route principale vous amène au centre du bled, constitué d'une place quadratique de grande taille, pourvue de verdure ou d'une fontaine. Ce bloc évidé est bordé par quatre rues, qui se poursuivent dans le tissu urbain et qui séparent de manière plus ou moins heureuse l'espace central des façades qui le qualifie. Celles-ci sont généralement constituées de commerces qui sont de plus en plus prestigieux, au fur et à mesure que la ville est plus importante. Une forme de gradation centrifuge des espaces, facile à comprendre et simple à appliquer.
Dans les grandes villes cette structure est évidemment bien plus complexe. On retrouve notre place quadratique, parfois doublée ou triplée, quelque part dans le tissu urbain. Généralement dans le centre historique. Ce quartier est d'époque coloniale, si les tremblements de terre n'en ont pas détruit la totalité. Mais ce qui est surprenant, c'est que le centre historique de la grande ville type d'Amérique Latine est généralement un quartier déprécié. La population qui en a les moyens fuit les illustres bâtiments pour s'installer dans de nouveaux quartiers. Générant un ou plusieurs nouveaux centres qui sont presque toujours exceptionnellement laids. Des bâtiments qui utilisent maladroitement le verre et le béton. Des avenues très larges pour y faire circuler l'automobile, où vous risquer votre peau quand il faut traverser la rue. Des espaces pour piétons inexistants, les trottoirs sont des parkings, les espaces publics réduits au minimum, excepté parfois quelques parcs. Les prix du commerce sont multipliés par trois ou plus. Les stations d'essence, supermarchés et fastfood y pullulent, et la population aisée en raffole. C'est l'ouest lausannois devenu quartier prestigieux...
Pourtant la valeur sentimentale, morale et touristique du centre historique n'a pas disparu. Car les églises, cathédrales, palais gouvernementaux et certains autres bâtiments publics et culturels s'y trouvent toujours. On y est donc attaché, mais on ne veut surtout pas y résider.
Etat de fait qui profite à d'autres: le centre historique est donc généralement occupé par un mélange de classes basses et moyennes. Jusque là tout va bien. Néanmoins la schizophrénie urbaine commence à partir du moment ou on prend en compte le fait que les disparités sociales en Amérique latine sont brutales. Les résidents des quartiers historiques n'ont donc souvent pas les moyens d'entretenir matériellement leur environnement construit. Donc puisque ceux qui en ont les moyens et qui y sont attaché, sont ceux qui ont le pouvoir, l'état se charge d'un processus d'entretient. Réfection des façades, des toitures qui surplombent la rue, peintures des balustrades et des volets... Ce qui compte n'est que la partie visible des bâtiments. Visible depuis le trottoir ou la fenêtre de la voiture. L'important c'est l'image du tissu de la ville historique. Et on s'en tient là. Un travail décoratif. Cette attitude se répète avec plus ou moins d'évidence dans la majorité des grandes villes. Par exemple Quito, où l'uniformité du centre historique est surprenante, et aguichante. Mais l'intérieur des maisons s'effondre, la partie des toits invisibles se décompose. Les espaces sont sous-utilisés. Un quartier théâtre. La porte est peinte, mais ne s'ouvre plus depuis longtemps. J'y ai passé des moments magnifiques, je tiens à préciser, car la vie urbaine est capable d'adaptation. Mais parfois un angle de vue laisse voir l'envers du décor. Et là on s'interroge. Jusqu'où cela a-t-il un sens? D'où ma référence aux murailles de Samaris, la ville imaginaire de Peeter et Schuiten, dans laquelle un héro déambule dans une ville inconnue, jusqu'à franchir le décor, et découvrir les mécanismes d'une ville faite de structures qui se déplacent... A vous de découvrir l'album!
Si la ville est le reflet de notre âme, de la profondeur de notre réflexion, de la qualité de nos idées, de l'état de notre civilisation. Comment interpréter ce désastre, cette évidente dégénérescence? Et jusqu'ou poussera-t-on le subterfuge? Une ville de carton, vraiment? Qu'est devenue la ville qui se reconstruit sur elle-même? Qu'est devenue la notion d'évidence, de cohérence et de sens dans l'environnement que nous nous bâtissons?
Vue des toilettes de l'hôtel dans le centre historique de Lima
1 commentaire:
très belle description de ces villes-façades! J'ai ressenti la même impression durant un voyage à Chihuahua (Nord Ouest mexicain). J'y ai fait connaissance avec un groupe de supporters du PAN (iiirk le parti de droite) qui m'ont véhiculé dans de nouveaux quartiers qui ressemblaient beaucoup à ce que tu décris!
cordiales salutations de ma ville musée (amsterdam)
Matthieu
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